D’Acoz à St-Jacques de Compostelle

BORNE ACOZ 350

Quel ne fut pas mon étonnement quand j’ai appris que Philippe FRERES, Acozien pure souche, s’était lancé dans le célèbre pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle.

 

 

De retour, en ce début d’octobre, je l’ai rencontré afin de vous faire vivre cette expédition.

 

Alain GUILLAUME : Alors, Philippe, te voyant, tu pètes la forme ! Ma première question est peut-être hasardeuse : « Quand as-tu pensé à ce pèlerinage et pourquoi ? »

Philippe FRERES : J’avais à peine 20 ans et, petit à petit, c’était devenu une obsession. C’était une démarche spirituelle et un défi. Il y a une dizaine d’années, j’étais certain que j’allais m’y lancer un jour. Au mois de janvier de cette année, la cinquantaine approchant, c’était décidé, ce sera cette année.

A.G. : Te sentais-tu capable physiquement ? Et le problème de ton emploi ?

P.F. : Je me suis préparé sérieusement. Tous les mercredis, sac au dos, je quittais mon domicile pour parcourir 25 kilomètres. Je n’en ai parlé à personne mais il y a sûrement des Acoziens qui se sont posé des questions, me voyant traverser notre village. Au sujet de mon emploi, j’ai entamé les démarches d’une pause carrière auprès de la S.P.W.

A.G. : Quand es-tu parti ?

P.F. : J’ai quitté Acoz le 2 mai pour rejoindre Maredsous. C’était le « prologue » car c’est exactement le 7 mai que la première étape allait me conduire à Leffe et ensuite vers  Rocroi. Je comptais marcher 150 kilomètres par semaine avec 1 jour de repos.

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Maredsous 450

 

Adolphe Sax 840.jpg

ANSEREMME 840

Un itinéraire bien défini m’a conduit à Reims – Troyes – Auxerre – Vézelay – le Puy-en-Velay – la Voie du Puy jusqu’à Saint-Jean-Pieds-de-Port  – la Voie Nive-Bidassoa – le Camino del Norte – le Camino Primitivo pour atteindre Santiago de Compostella. J’ai poursuivi ma route en découvrant des paysages typiquement galiciens jusqu’au Cabo Fisterra sur la côte atlantique.

Basilique Sainte-Marie-Madeleine, Le Vézelay 840

Sur la plage de Langosteira à Fisterra, c’est là que les premiers pèlerins venaient cueillir la coquille Saint-Jacques, symbole des pèlerins de Compostelle. Le 5 octobre, j’arrivais à Muxia au Sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Barque où, selon la légende, elle serait arrivée sur la Côte de la Mort dans une barque de pierre pour encourager Saint-Jacques dans sa mission d’évangélisation et où de grosses pierres magiques gisent encore face au Sanctuaire ; elles seraient les vestiges de l’embarcation.

 

Sanctuaire de la Vierge de la barque à Muxia 450

J’avais accompli 2.834 kilomètres. C’était le moment du retour, en car pendant 26 heures pour atteindre Charleroi !

A.G. : Nous étions beaucoup à te suivre journellement via le site « Memotrips » où tu y postais ton carnet de route et tes photos… Il suffisait de s’inscrire, taper « Elcoqui » et on était connecté…

P.F. : Oui mais dans un premier temps, le site était destiné à stocker les photos que j’avais prises avec mon smartphone. C’était prévu, j’avais pris un abonnement à un opérateur télécoms français pour la connexion « 4G ». C’est ainsi qu’est né mon carnet de route. Mon compte recevait parfois 200 visites dans la même journée. Les commentaires que je recevais de Belgique m’ont énormément boosté.

A.G. : As-tu connu des défaillances ?

P.F. : Je me suis foulé le pied gauche et cela m’a obligé à prendre 2 jours de repos et la prise d’anti-inflammatoires. Quelques jours plus tard, la douleur est réapparue mais, là, plus de repos et j’avoue que la douleur a disparu après quelques jours.

A.G. : Et le logement, les repas, la lessive… ?

P.F. : Dans le nord de la France, je logeais souvent dans des maisons d’hôtes (accueil pèlerin). Je recevais un dîner complet le soir et le petit déjeuner. Une douche et les commodités étaient les bienvenues. Note que je ne me tracassais pas car je voyageais avec une tente dans mon sac. J’ai logé aussi dans un camping, dans un jardin ; très rarement, j’ai pratiqué le camping sauvage et je devais me préparer un repas chaud : mon petit réchaud était le bienvenu, j’utilisais du bois sec et parfois des pommes de pin, je n’avais pas difficile de trouver une épicerie.

TENTE 840

Tente Philippe 840

Plus j’avançais, plus je rencontrais des gîtes d’étape gérés par les mairies avec cuisine, douche, commodités…

A.G. : Où as-tu acquis ton bâton de pèlerin ?

P.F. : Je suis parti d’Acoz sans bâton mais cela n’a pas duré longtemps. Lors de la 3e étape, du côté d’Anseremme, un sanglier m’a chargé mais heureusement, il s’est arrêté à quelques mètres. A mon avis, il défendait les marcassins qui devaient se trouver non loin. Deux jours plus tard, j’ai découvert une vingtaine de bâtons qui gisaient au milieu du chemin. Mon choix fut vite fait… un bâton de 2 mètres qui allait m’aider lors de l’ascension de côtes. Figure-toi qu’il a perdu 40 centimètres en 5 mois de route. Pourtant, un aubergiste attentionné lui avait planté une pointe de Paris à sa base !

A.G. : As-tu des anecdotes ?

P.F. : Oh oui !

  • Lors d’une étape en Champagne, je n’ai pas trouvé de refuge et j’ai frappé à la porte d’un carmel. Les religieuses m’ont accueilli et j’ai eu droit à une belle surprise : j’ai assisté au concert offert aux Carmélites par la virtuose violoniste Natacha Triadou, en remerciement pour un hébergement.
  • Au Lac des Settons, un hélicoptère militaire français, une « Gazelle des Airs » a atterri à quelques mètres de moi. Le pilote venait régulièrement rendre visite à son père, propriétaire des lieux. La zone d’atterrissage avait été enregistrée comme zone militaire ce qui permettait de se poser sans problème.
  • Avant d’atteindre Espelette, j’ai été attentionné par une multitude d’ombres juste devant moi. En relevant la tête, j’ai pu admirer le vol d’une centaine de vautours qui virevoltaient dans un ciel azur. Impressionnant !
  • En Champagne, le 17 mai, je m’aperçois d’avoir perdu tous mes papiers : carte d’identité, carte bancaire, argent… Heureusement, j’enregistrais mon passage dans les vignes sur mon smartphone. Demi-tour, et, aidé par celui-ci, j’ai retrouvé ma route exacte et… tous mes papiers.

Vignobles Champenois près d'Hautvillers 840

  • Parlons un peu football ! c’était le 2 juillet, coupe du Monde : match Japon-Belgique, je logeais dans ma tente et suivais à la radio l’évolution du score, à la mi-temps 2-0 ! Les carottes sont cuites. Un orage de grêle s’abat sur la région, « j’encaisse » le bruit assourdissant des grêlons qui attaquent ma toile de tente, c’est seulement bien plus tard que je prends connaissance de la victoire des nôtres.
  • Sur le plateau de L’Aubrac, j’ai rencontré un pèlerin qui venait de la région parisienne : 86 ans ! … et le même jour, au même endroit, un couple accompagné d’un enfant de 2 ans !

Chemin pastoral, Aubrac Lozérien 840

  • Dans le Morvan, j’ai été impressionné par la foudre et les orages. Ces derniers ont abimé les arceaux de ma tente, j’ai réparé mais la troisième fois fut la dernière car ma tente devait rendre l’âme.

Déluge sur les hauteurs de Markina-Xemein, Pays Basque 450.jpg

A.G. : Et ton arrivée à Acoz ?

P.F. : Ma compagne Karine m’attendait à Charleroi. Arrivés à Acoz, la belle surprise ! La famille, les musiciens, les amis proches et ceux qui m’avaient suivi sur « Memotrips » m’attendaient sur la place de l’église et « Les Coquis d’Aucot » ont été interprétés en mon honneur. Le verre de l’amitié et les amuse-gueules ont suivi sans oublier les incontournables bières belges qui m’ont manqué !

Arrivée Acoz 840

Arrivée 2 450

Nous les Coquis 840

Accueil 2 840

Robert Gérald 840

Anne-Marie 450

Que la fête 840

A.G. : tu reprends bientôt le boulot ?

P.F. : C’est pour lundi prochain ! S’il la météo le permet, je pourrai m’y rendre à pied…. Ben quoi, Charleroi, ce n’est qu’à 10 kilomètres !

 

Extraits du carnet de voyage

Le Puy en Velay, Saint-Privat d’Allier

Jour 65 : 10 juillet 2018

05h15, les impatients commencent à se préparer. Progressivement les rideaux de cellule s’ouvrent, les portes d’armoire claquent.
05h45, je me lève – 06h30, déjeuner, l’occasion de faire connaissance. Curieusement, tout le monde se tutoie mais personne ne demande quel est ton prénom mais d’où viens-tu, où vas-tu ?   
07h00, messe à la cathédrale suivie de la bénédiction des pèlerins.

Je respecte la tradition et prends une prière, à lire chaque jour du pèlerinage, laissée la veille par un pèlerin. Je laisse moi-même une prière pour un futur participant. Nous sortons par le ventre de la cathédrale pour recevoir la protection de Notre-Dame de l’Annonciation. Je descends les 134 marches de l’édifice, pas trop vite, pour profiter du moment, un peu comme au “pas ordinaire”. L’émotion est intense pour le pèlerin quelles que soient ses motivations.
Nous sommes une soixantaine à partir aujourd’hui. Je partage un bout de chemin avec Guillaume qui parcourt l’itinéraire pédestre à vélo à raison de 2 étapes par jour. L’ambiance est vraiment différente ; de Vézelay au Puy je n’avais vu qu’une dizaine de pèlerins ;  là c’est jour de marché. Je m’arrête pour une petite pause à la Chapelle Saint-Roch de Montbonnet…

Chapelle de Saint-Roch à Corcubión, Galice

Rocamadour, Lavastide-Murat

Jour 82 : 27 juillet 2018

07h20 : Marie, l’hôtelière lilloise, me lance du pas de la porte du gîte un Ultreïa. Sur le grand escalier, dernière porte vers le sanctuaire, quelques jeunes accompagnés d’un prêtre gravissent les 216 marches à genoux, Un “Je vous salue Marie” à chaque marche.
Dans la vallée de l’Alzou quelques paramoteurs virevoltent. Je m’éloigne du Roc par le versant opposé, sur le GR46. Un peu plus loin je suis dépassé par Bipbip Aymeric « le Bruxeler » et Annick la Québécoise.
Le GR se poursuit par de petites routes et chemins bordés de chênes. Petite pause avec des Marseillais avant de traverser l’autoroute A20. Bipbip « le Bruxeler » me dépasse à nouveau, il était pourtant normalement devant moi, et il cherche Annick la Québécoise que je n’ai plus vue. Il s’en passe des choses dans le peloton. Je franchis de nouveau l’autoroute A20. Je monte vers Labastide-Murat, étape de transition vers Cahors.

Basilique Saint-Sauveur, Rocamadour 450

Abri de berger en pierre sèche, Issendolus près de Rocamadour 840

Corcubión, Cabo Fisterra

Jour 151 : 4 octobre 2018

Courte étape entre Corcubión et le bout du monde, là où le soleil se couche. La légende veut que « Tout meurt à Finisterre, tout renaît à Muxía ». Se termine ici le chemin mythique Santiago – Fisterra. Certains brûlent un vêtement ou une chaussure, signe du changement de peau, du renouveau intérieur.

Je rencontre Johann le Nantais, parti en avril pour rallier la voie du Puy.  Nous totalisons le même nombre de kilomètres. Ce soir les pèlerins se donnent rendez-vous au phare, confin de l’Europe occidentale, pour assister au coucher du soleil … la météo est idéale.

Couché de soleil à Cabo Fisterra, la fin du monde 840

La nuit tombe et des odeurs de textile en feu se répandent. Il est temps de redescendre à Fisterra, 3,5 km plus bas. Dernier verre avec Johann qui est déjà passé à Muxia, il reprend le bus demain pour Compostelle. Demain, dernière étape…

2804,92 km. 27°.

Kilomètre zéro à Fisterra avec Yohann le Nantais 450

L’album photos

Beaumont dans le Gers, Armagnac 840

 

Condom-en-Armagnac dans le Gers, Gascogne 840

Entrée en Navarre, Saint-Palais 840

FORET 840

4 FRERES 840

Grenier à céréales galicien (Hórreo), Montecelo 840

OMBRE 450

Sous-bois 840

Hauteur d'Unquera, Asturies 840

La mer Cantabrique près de Saint-Sébastien (Donostia) 840

Mer de nuages à Piedratecha, Asturies 840

Potale de Saint-Roch, Deba au Pays Basque 450

Potale Saint-Roch à Deba, Pays Basque 2 450

Grandas de Salime, Asturies 840

RUELLE FERES 840

Près d'Ostabat, Pays Basque 840

Traversée de la baie de Santoña 840

Cathédrale de Saint-Jacques-de-Compostelle 840

Cathédrale, Saint-Jacques-de-Compostelle 2 840

Eglise San Fructuoso, Compostelle 450

Monument Monte De Gozo, Compostelle 840

Bière pèlerin cathédrale Santiago 450

© Alain GUILLAUME – Novembre 2018.

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