
Mois : juillet 2025
Il m’a semblé intéressant de vous présenter un article relatif à Octave PIRMEZ, publié dans la presse régionale en date du 27 janvier 1904.
Nous signalions récemment dans le dernier fascicule de la « Biographie PIRMEZ » la notice consacrée à Octave PIRMEZ par M. Maurice WIMOTTE, au moment où l’association des écrivains belges prépare une anthologie de cet écrivain, du châtelain d’Acoz, comme on se plaît à l’appeler, l’esquisse de sa vie est d’actualité, et elle offre d’autant plus d’intérêt qu’elle implique en quelque sorte l’appréciation de ses œuvres, aussi, nous en tenons-nous là, quelle que soit la valeur de ce compliment :
Octave PIRMEZ, écrivain, né à Châtelet, le 19 avril 1832, mort à Acoz, le 30 avril 1883, d’un père gentilhomme campagnard, dont l’unique plaisir était la chasse, et d’une mère chrétienne et lettrée, qui exerça sur l’éducation de ses fils une influence considérable. Il avait deux frères, dont l’un, Emile PIRMEZ, fut le père de Maurice PIRMEZ, et dont l’autre, Fernand, mourut comme lui, célibataire à l’âge de 28 ans et, comme lui, consacra sa vie à l’étude et à la méditation.


Octave PIRMEZ éprouva, dès l’enfance, un goût intense pour la solitude et les plaisirs de la vie agreste. Il nous rapporte qu’il passait tout son temps « à errer dans un vaste jardin dont la vue s’étendait, au loin, vers le village de Pont-de-Loup ». Et il ajoute : « Vagabonder par les prés, le long des eaux courantes, tout observer, jusqu’au balancement insensible des herbes, me causait un charme indicible. Mais les instincts meurtriers, naturels à l’enfance libre, le mêlaient parfois à ma curiosité… plus tard, ces instincts se développèrent en une passion pour la chasse que je ne pus jamais maîtriser ».
Il accompagnait son père dans ses pérégrinations à travers bois, et, déjà curieux des choses de la nature, il notait dans son « cahier d’histoire naturelle les ruses des lièvres, des renards et des belettes » ; il y faisait « des illustrations, et toutes les marges étaient ornées de vignettes » ; il y notait le passage des oiseaux de tenderie, les époques de l’an où les chanteurs ailés des bois viennent en dissiper la mélancolie : « C’est en ces heures-là, je crois, que je m’enamourai de la nature au point de vouloir un jour exprimer ses attraits par ma plume. Que m’importait alors la vie des hommes illustres de Plutarque. La biographie et les faits et gestes de Chareau, Ramette, Rustaud, Blandier étaient pour moi d’un bien autre intérêt ». Ainsi s’expliquent les pages descriptives qui, dans sa correspondance, et particulièrement dans « les Lettres à José », se mêlent aux effusions tendres et aux réflexions graves ; ainsi s’expliquent aussi, dans ses recueils de pensées, les nombreuses comparaisons et métaphores empruntées à la nature, aux plantes, aux arbres, aux animaux.
L’éducation d’Octave ne ressembla guère à celle des jeunes gens de sa classe et de son âge. Elle fut libre et spontanée, à l’exception d’une année d’études qu’il fit au Collège Saint-Michel, à Bruxelles, et dont il semble avoir conservé un souvenir plutôt amer : « C’était mon chagrin de ne plus voir s’étendre devant mes pas un vaste espace pour m’y livrer à mes courses folles, comme je l’avais fait si souvent dans un véritable délire de liberté, et me sentant comme des ailes aux pieds… Je ne fus pas un brillant élève. Mon imagination était trop ardente, mon esprit d’observation trop éveillé, ma préoccupation des caractères trop constante pour que je pusse réciter de longues pages de mémoire.
La musique me fut une consolation. J’avais obtenu d’y consacrer une heure par jour, et plusieurs fois par semaine je recevais des leçons de professeurs du conservatoire ».
Dans « Un Regard sur ma Vie », PIRMEZ nous apprend qu’il devint, de la sorte, dès l’âge de 12 ans, un petit virtuose, dont la précocité étonnait un auditoire d’amis : « Plus tard, je ne voulus plus d’auditoire, et je m’enivrais seul dans mon ramage. Je me sentais transfiguré par la vibration de mes cordes, qui traduisaient avec violence une émotion intime – l’âme chante avant de pouvoir exprimer – et mes émotions étaient partagées par celui dont j’étais l’élève, âme ardente et bien née de la musique, le seul art dans lequel on puisse faire vivement ressentir toute sa tendresse et son humanité ».
Ses parents consentirent à le retirer du collège et à le confier à un précepteur, « ancien professeur de poésie dans un séminaire », qui fut pour lui « plutôt un ami qu’un maître ». Il devint bon latiniste ; en revanche, il n’eut jamais qu’une connaissance superficielle et très incomplète des langues et des littératures modernes ; on ne peut même excepter tout à fait la littérature française, où ses lectures se restreignirent à certaines catégories d’œuvres qui lui plaisaient, parce qu’elles étaient en conformité, soit avec ses convictions religieuses, soit avec son tour d’esprit. Dans ce nombre, sont « les Essais de Montaigne, les pensées de Pascal » pour lesquels il eut une prédilection particulière, certains écrits de Bossuet et des apologistes chrétiens, et parmi les modernes, Chateaubriand, Lamartine et Victor Hugo, qu’il aima et dans l’intimité de qui il vécut longtemps. Il confesse aussi avoir, dans sa jeunesse, connu des poésies de Heine et de Baudelaire, mais il en vint à les détester, comme, en général, toutes les œuvres dont le pessimisme ou l’ironie lui paraissaient malfaisants. Son antipathie pour Béranger, qu’il apparie toujours au latin Horace, procédait de motifs analogues. Il n’avait guère lu les grands romanciers du 19e siècle, et il s’en consolait aisément. Son exclusivisme n’épargne ni Corneille, ni Racine, ni Molière; de même les grands classiques du 18e siècle doivent l’avoir laissé indifférent, et, lui qui a tant d’obligations à J.-J. Rousseau et qui offre tant d’affinités de nature avec l’auteur d’ « Emile », le nomme au plus une ou deux fois dans ses écrits. Des retranchements si considérables, et qui étaient volontaires, ne pouvaient ne pas influer sur le cercle de pensées où se mut Octave PIRMEZ, il en advint, comme de nécessité, qu’il fut un contemplatif, tourné vers le divin, vers la nature et d’une sensibilité directe et toujours éveillée ; qu’il n’eut guère d’attraction vers l’artificiel dans les arts, et vers les créations fines, gracieuses, ornées et complexes, dont le talent est la source unique.

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© Alain GUILLAUME – 6 juillet 2025.

