Des ballets roses à Acoz

Acoz cité dans une grave affaire de mœurs dans la région de Charleroi

Fin du mois de janvier 1960, Maklouf dit Adolphe KAKONE, commerçant fortuné de Charleroi, propriétaire du magasin « LES GALERIES », d’un night-club, du cinéma « LE BLED » et d’une propriété appelée pompeusement « château » à Acoz, a été arrêté et écroué à la suite de la découverte d’une grave affaire de mœurs qui met en cause de très jeunes filles employées par l’intéressé.

D’origine marocaine mais naturalisé belge, KAKONE était connu à Charleroi pour ses relations avec le « beau monde »  de la ville et aussi de la capitale. Il y a quelques années, à Acoz, il avait reçu en grandes pompes son ami, le célèbre GLAOUI, pacha de Marrakech. Le décorum impressionnant dont aimait s’entourer le nord-africain agissait sur le cerveau des toutes jeunes filles qu’il choisissait. Parmi les meubles finement sculptés, les coussins de cuir, les serviteurs noirauds et silencieux qui, parfois, laissaient négligemment dépasser le manche d’un poignard damasquiné, les filles – des enfants parfois – se laissaient envoûter. Si elles manifestaient crainte ou regrets, KAKONE avait bien soin de les prévenir : « Si tu parles, on ne pourra rien me faire mais toi tu seras coincée de toute façon ». Il jouissait sur la place de la ville basse de Charleroi d’une réputation de puissance bien établie. Officiellement commerçant en tissus et confection, il offrait en sa propriété d’Acoz des réceptions fastueuses. Les costumes d’Orient, le caractère imposant du cortège, les échos que donnait la presse à ces visites mystérieuses et royales agissaient sur le public comme un narcotique. On parlait beaucoup sous le manteau mais personne ne se décidait jamais à fournir un renseignement précis. Il fallut beaucoup de persévérance aux enquêteurs pour parvenir à décider des jeunes filles à surmonter leur crainte. Lorsque trois d’entre elles eurent fourni les détails de leur mésaventure, M. BRIQUET, juge d’instruction à Charleroi, délivra un mandat d’arrêt à charge de Maklouf KAKONE qui était domicilié à Charleroi, place Albert 1er, 4.

Son fils Elie, 28 ans, a également été arrêté, de même que les nommés Mario FELTRIN et Isaac DANSKI. Elie KAKONE a été inculpé de tentatives de viol sur des adolescentes de moins de 16 ans. Il nie les faits qui sont reconnus par les adolescentes.

Mario FELTRIN, mineur et « photographe » qui est passé aux aveux, a été inculpé d’attentat à la pudeur sur la personne de jeunes filles âgées de 14 ans, sans violences.

Isaac DANSKI, commerçant, a été inculpé d’attentat à la pudeur avec violences et menaces sur des moins de 16 ans. Il nie les faits qui ont cependant été reconnus par les jeunes filles intéressées que le magistrat instructeur a entendues au cours de son instruction.

D’autre part, l’une des jeunes filles victimes de KAKONE, âgée de 14 ans, allait orienter les enquêteurs sur un café de Marcinelle dont la tenancière, Mariette HAUTECOURT, épouse André BELOT, demeurant rue de la Villette 13, n’allait pas tarder à être arrêtée ainsi qu’une dizaine d’autres complices.

Ainsi est mise au point une affaire qui fit couler beaucoup d’encre. En ce qui concerne KAKONE, l’accusation ne retient que la débauche, à l’exclusion du trafic d’armes ou de l’exploitation de la débauche.

La condamnation

Le 5 mai 1960, le tribunal correctionnel de Charleroi, siégeant à huis clos, a prononcé son jugement à l’encontre de Maklouf KAKONE. Il fut condamné à 4 ans de prison ferme, sans sursis, et à la privation de ses droits politiques et civils pendant 5 ans.

Maklouf KAKONE décédera en 1965 et sera inhumé au cimetière de Marcinelle.

Des précisions

Un grand immeuble à étage était érigé sur la place du Sud à Charleroi et était occupé par la Maison des Corporations avec un secrétariat permanent et de consultations ainsi qu’un bureau d’assurances. Plus de 70 associations y tenaient leurs séances. La crise économique des années 30 suivie par les années de guerre va faire perdre à la Maison des Corporations son attractivité. A la libération, elle devient le lieu de rendez-vous des GI’S et des aviateurs de l’US Air Force. Le bâtiment devient un immeuble de commerce : les « GALERIES KAKONE », exploitées par Adolphe KAKONE. On y vendait des tissus au mètre, des tapis et de la confection. Un cinéma dénommé « LE BLED » y voit le jour. On y projetait des films coquins. Dans les années 60, le bâtiment sera démoli pour faire place au « CENTRE ALBERT », une tour de 82 mètres, construite par l’entrepreneur Jean BAUDOUX.

MAISOn DES CORPORATIONS 650

place Albert 1er 650

A Acoz, Adolphe KAKONE avait racheté l’ancien site des Usines de Moncheret qui ont déménagé vers Bouffioulx après la Première Guerre mondiale. L’imposant château du directeur de l’usine fut abattu pour faire place à un nouveau bâtiment où le propriétaire allait y organiser des ballets roses. Après ce scandale, la magnifique propriété fut acquise par la société COGEFER qui a ouvert sur le terrain attenant une activité de récupération de métaux jusque dans les années 80.

Actuellement, le site est devenu la propriété de la société ACIERS GROSJEAN.

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Entrée propriété GROSJEAN 650

20 ans plus tôt, un chef nazi  prénommé ADOLF a tenu deux réunions stratégiques à quelques centaines de mètres de là. (Voir « ACOZ de A à Z », tome 2, pages 50-53).

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© Alain GUILLAUME – 16 août 2024.