

Un transporteur de fonds abattu à l’arme de guerre
Mercredi 6 mars 1996 à Acoz. Marc BRUSSELMANS, 36 ans, chauffeur de la firme GMIC, est abattu dans son fourgon par une bande de malfaiteurs.
Il est un peu plus de 22 heures, mercredi soir. A la rue Moncheret, comme ailleurs, la plupart des gens sont encore devant leur téléviseur, soirée de foot oblige. Un fourgon GMIC s’arrête devant l’agence du Crédit Communal pour y déposer des colis dans le coffre de nuit ; le convoyeur descend du véhicule et entre dans l’agence, puis revient rassurer son collègue et gagne à nouveau l’agence.
C’est à ce moment que l’attaque est déclenchée : une voiture suivait sans doute depuis quelque temps le fourgon. On dispose de peu d’informations, il n’y a pas de témoin oculaire de l’attaque, même si pas mal de riverains ont entendu des bruits très précis. On sait cependant qu’une voiture de type Golf – un ancien modèle en tout cas – avec trois ou quatre individus à son bord, vient se placer devant le fourgon, lequel s’est pour sa part arrêté devant la porte où se trouve le coffre de nuit.
Des hurlements, des détonations, quelques crissements de pneus et tout est terminé. Pour les riverains, tout n’a duré qu’une poignée de secondes. Il y aura pourtant un mort, Marc BRUSSELMANS (36 ans), d’Evere, le conducteur du fourgon, touché dans le dos…
Michel GUILLAUME habite juste en face de l’agence. Il a l’habitude d’entendre le fourgon se garer devant l’agence, devant sa fenêtre, tous les jours. Mercredi soir, un copain de son petit-fils est entré en trombe chez lui, sans frapper, visiblement choqué : il venait de voir les prémices de l’attaque et se réfugiait, terrorisé, dans la première maison connue. « J’ai entendu des cris, des hurlements même : «Ouvre, ouvre la porte». Puis des coups de feu, neuf en tout si j’ai bien compté, tirés par intermittence. Je n’ai pas osé regarder ouvertement mais j’ai soulevé un bout de rideau à l’étage ».
Dehors, le fourgon est criblé de balles. On relèvera cinq impacts dans le pare-brise et les vitres latérales, quatre dans la carrosserie. Si les vitres étaient blindées, il semble que la carrosserie, elle, ne l’était pas suffisamment : les projectiles ont transpercé le métal.
L’employé-convoyeur du GMIC qui se trouvait dans l’agence, visiblement en état de choc, a demandé à Michel GUILLAUME s’il avait un téléphone, puis a immédiatement alerté sa centrale.
Il a fallu de longues minutes pour ouvrir les portières du fourgon, il en a fallu d’autres encore plus longues avant que les secours médicaux n’arrivent pour soigner le conducteur dont s’échappait le dernier souffle de vie : près d’une demi-heure, alors que la rue fourmillait de gendarmes depuis longtemps. Le mourant a eu le temps de dire à son collègue qu’il n’y avait plus d’argent, avant de sombrer dans une demi-inconscience. L’homme a développé un hémothorax qui lui a été fatal : il est mort sur place.
Les malfrats étaient cagoulés, vêtus de salopettes noires, ils disposaient d’armes de guerre et, selon les témoins qui ont entendu les détonations, ils ont tiré en mode semi-automatique, criblant le véhicule. On a retrouvé les douilles.
Ils ont pris la fuite en direction de Châtelet mais on ignorait le montant du butin. La détermination des truands, l’extrême violence de l’attaque, son audace laissent une fois de plus pantois.
D’après les enquêteurs en effet, la victime a remis l’argent aux malfrats par la fenêtre de sécurité : ce n’est qu’en partant que les agresseurs ont littéralement arrosé le fourgon et ainsi causé la mort du chauffeur. Pourquoi ? Le GAF, Groupe Attaques Fourgons, géré à Charleroi par le premier substitut du procureur du Roi Jacques SOMVILLE, est à pied d’oeuvre pour tenter de répondre aux multiples questions que pose ce type de criminalité. Il faut maintenant analyser les données recueillies et voir si le modus operandi se rapproche d’autres attaques commises récemment dans une région, le Hainaut et le Brabant wallon, qui semble être sous la coupe d’une ou même de plusieurs bandes de truands, très bien renseignés, et visiblement prêts à tout.
Arrestation du gang et cour d’assises
Les membres du gang des braqueurs seront arrêtés. Il était dirigé par «le cerveau», Francisc BANCSA, 41 ans au moment des faits, de Saint-Martin (Jemeppe-sur-Sambre), pour lequel un mandat d’arrêt international est immédiatement délivré. Originaire d’Oradea, ce Roumain a quitté son pays en 1977 avant de s’engager dans la Légion étrangère et de devenir caporal instructeur à Djibouti. C’est là qu’il devient un professionnel des armes. Après quoi, il gagne la Belgique en 1983.
La cour d’assises a entamé le long examen pour 15 braquages et de multiples tentatives de méfaits retenus à charge de Ion INCZE, un roumain de 46 ans, de Giovanni RUZZU, 46 ans, de Charleroi, de Marc GOFFART, 46 ans, de Fosses-la-Ville, et Dimitri AWOUST, 41 ans, de Clervaux.
Le lendemain des faits, c’est-à-dire le 8 mars, BANCSA et AWOUST assassinent un de leurs complices, Pascal TERWAGNE. BANCSA avait donc décidé de procéder lui-même à l’élimination de celui qu’il considérait comme dangereux pour la sécurité du groupe. Il avait été emmené, complètement ivre, dans la voiture d’AWOUST. A Tenneville, BANCSA était descendu de la voiture et lui avait tiré une ou deux balles de 9 mm dans la tête. Le corps avait été enterré près de Gembloux où la police l’a exhumé.
Des précisions
Le fourgon est arrivé vers 22 heures. BANCSA, AWOUST et TERWAGNE l’attendaient. TERWAGNE, armé d’un Fal (fusil automatique léger), s’était immédiatement présenté sur le côté du véhicule, près de la fenêtre du chauffeur. BANCSA portait une Kalachnikov et était face au pare-brise avant. Ils avaient demandé à Marc BRUSSELMANS le contenu du fourgon. Ce dernier avait alors remis quelques pochettes avec de l’argent et des documents. Mais cela ne suffisait pas. Les braqueurs s’étaient déplacés pour un butin plus important. Comme la victime ne réagissait plus, TERWAGNE, sur les ordres de BANCSA, avait tiré deux rafales, une dans le pare-brise et l’autre dans la paroi latérale du véhicule. Le chauffeur avait été atteint au thorax. Une balle lui avait traversé les poumons et lui avait brisé l’épine dorsale. Une autre l’avait atteint à l’estomac. Il devait décéder à l’arrivée des secours.
Le butin s’élevait à 10 millions de francs belges et deux lingots d’or.
Un témoignage poignant
Philippe FRERES tenait un magasin d’alimentation en l’immeuble sis à quelques mètres de l’agence bancaire. Il se souvient de ce soir où il fut témoin de l’attaque du fourgon : « Un brouhaha se faisait entendre au pied de la Raguette, je sortis tout comme Didier MARTIN qui vivait au-dessus du magasin. Au premier coup de feu, nous sommes évidemment rentrés. Nous avons entendu les cris de menaces : « ouvre la porte ou on te bute ». Après les faits, nous apercevions, par les perforations des balles dans le flanc du fourgon, ce malheureux chauffeur agonisant sur la protection de roue arrière droite. Lorsqu’on ouvrit les portes, Didier BRISON, qui exploitait le café « El Coqui » tout proche, tenta un massage cardiaque mais c’était trop tard, il n’y avait plus rien à faire ».

L’enquête fut confiée au juge d’instruction Victorien SOHET. Lors de la reconstitution, il était accompagné de sa greffière qui n’était autre que Fabienne FAIGNART, l’épouse de notre bourgmestre Philippe BUSINE.
J’ai contacté Fabienne qui, de suite, a accepté d’en parler. Elle m’a rendu visite, son agenda de 1996 en mains :
« Nous étions de service, mon juge d’instruction et moi-même, la semaine du lundi 4 au dimanche 10 mars 1996. Le mercredi 6, je fus prévenue en fin de soirée par mon juge d’instruction qu’un fourgon transportant des fonds venait d’être attaqué devant la banque du Crédit Communal à Acoz. Nous descendîmes sur les lieux. Il était 23 heures 15.
Le chauffeur, âgé de 36 ans, qui se trouvait dans le fourgon, avait été abattu par quatre individus. Il était mannequin et exerçait en plus ce métier de convoyeur de fonds.
La reconstitution de l’attaque eut lieu la semaine suivante, le mardi 12 mars à 21 heures 20. Cette heure tardive est due au fait que la reconstitution doit se faire dans les mêmes conditions atmosphériques que le jour des faits et avec la même luminosité. Il faisait glacial, -8° ! Et je me souviens d’avoir enfilé des couches de pulls et deux collants sous mon pantalon. Philippe FRÈRES, témoin de l’agression, nous invita gentiment à prendre un café dans son magasin tout proche.
Il y a eu 33 attaques de fourgon dans notre pays en 1996 ! »
Le 5 juin 1985 et le 20 février 1986, le bureau de poste d’Acoz, sis à une centaine de mètres de l’agence du Crédit Communal, fut la cible de hold-up qui, heureusement n’ont pas fait de victime. (Voir « ACOZ de A à Z », tome 3, pages 318-319).
De bien tristes événements !
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Je tiens à remercier Laurent GUILLAUME, petit-fils de Michel, qui m’a transmis les coupures de presse gardées précieusement par mon oncle.
© Alain GUILLAUME – 28 mai 2024.
